Les Caisses d’Epargne françaises au cœur de l’histoire urbaine
A quelques exceptions près, les Caisses d’Epargne françaises, fondées en France dans la première moitié du XIXe siècle, s’installent au départ dans des locaux exigus et sans équipement prêtés par les mairies.
Leur bureau n’étant ouvert à l’origine que le dimanche, elles doivent bien souvent partager la modeste salle mise à leur disposition avec un service municipal qui y officie quant à lui pendant la semaine. Au fur et à mesure de l’expansion de leur activité, elles vont rapidement être amenées à régulièrement déménager dans des locaux toujours plus vastes, prêtés également par la ville. Le patrimoine architectural des Caisses d’Epargne conserve encore la trace de ces aménagements proposés au sein d’un parc immobilier communal parfois remarquable ; et certains établissements de taille modeste, avant le regroupement des Caisses d’Epargne débuté dans les années 1980, y étaient encore établis.
Après plusieurs déménagements successifs, la plupart des Caisses d’Epargne décideront, peu à peu, d’acquérir les propres locaux. La Caisse d’Epargne de Paris achète ainsi en 1842 un bâtiment construit au XVIIIe siècle, l’hôtel Thoynard, dont elle est encore propriétaire aujourd’hui. Plus tardivement, d’autres Caisses d’Epargne font également l’acquisition de bâtisses anciennes pour installer leurs services. Celle de Bourges établit ainsi ses locaux ans une maison construite entre 1513 et 1515 dite maison Pelvoysin. Ce bâtiment abrite encore de nos jours une agence.
Ces exemples sont toutefois minoritaires. Car, dans leur grande majorité, c’est plutôt la voie de la construction de leur propre édifice que les Caisses d’Epargne vont massivement emprunter. Elles vont ainsi, entre le fin XIXe siècle et le début du XXe siècle, faire réaliser partout des bâtiments qui contribuent à enraciner leur image au cœur des habitants et des territoires, de manière durable, et encore aujourd’hui.
Car si l’édification de leurs hôtels témoigne de l’importance et du succès des Caisses d’Epargne, il rend surtout compte de leur souci d’exalter, par le bâti, les valeurs de l’épargne dont elles sont dépositaires. C’est ainsi que se forge alors un style architectural spécifique aux Caisses d’Epargne.
Les constructions se font dans le contexte de l’hausmannisation des villes. Les hôtels empruntent à la typologie des édifices publics – mairie notamment – ou bancaires, édifiés à la même époque pour véhiculer une image de sécurité et des respectabilités. Le choix de leur emplacement contribue à en faire de véritables « monuments urbains ». L’isolement du bâtiment sur une place, ou au défaut dans un angle de rue, contribuent à leur visibilité par les habitants. De nombreux hôtels de Caisses d’Epargne se parent par ailleurs de dômes, de rotondes, de campaniles qui accentuent encore leur importance.
Ces bâtiments sont construits dans le style dit « éclectique », courant architectural de l‘époque qui consiste à mêler des éléments empruntés à différents styles de l’histoire de l’art (néo-Renaissance, néo-classique, voire néo –mauresque). Le néo-Louis XVI est ainsi largement utilisé, avec des ornements de façades s’appuyant sur des colonnades. Certains hôtels s’inscrivent dans la veine néo-gothique, d’autres, plus rares, sont d’influence Art nouveau.
Ce qui distingue les hôtels de Caisses d’Epargne des autres bâtiments publics de l’époque sont les attributs et sculptures qui ornent leurs frontons et façades. Les motifs exposés servent à la glorification de l’épargne populaire, célèbrent la tempérance et la prévoyance. On y trouve ainsi nombre d’allégories de l’Epargne à la façon des antiques ou des cornes d’abondance. Les ornementations des façades sont parfois l’œuvre d’artistes renommés, lauréats du Grand prix de Rome, comme par exemple à Marseille. Sculptures allégoriques, peintures, mosaïques au sol, vitraux décorent également les intérieurs des bâtiments, et célèbrent les vertus de l’économie, du travail et de la tempérance. Ainsi, à l’exemple des pouvoirs publics qui ornent de décors peints les salles de préfectures, bibliothèques ou mairie, les Caisses d’Epargne font parfois réaliser des fresques pour agrémenter leur salle de Conseil d’administration, comme au Puy où une large composition d’Assezat de Bouteyre présente « La famille remettant à l’épargne le fruit de son travail », à Troyes ou à Marseille.
Certains des anciens hôtels, peu adaptés aux activités du quotidien de la banque d’aujourd’hui, ont été cédés par les Caisses d’Epargne et ont trouvé de nouvelles destinations. D’autres, comme à Toulouse ou Marseille, ont bénéficié d’une réhabilitation exemplaire. Derrière les façades, restaurées à l’identique, des intérieurs modernisés, répondant aux dernières normes environnementales et technologiques, ont été mis en place. D’autres enfin abritent encore des agences.
Qu’ils appartiennent encore, ou non, aux Caisses d’Epargne, ces bâtiments historiques conservent, pour beaucoup d’entre eux, la signature de leur propriétaire d’origine. Les frontons portent aussi les inscriptions « Caisse d’Epargne » gravées dans la pierre. La ruche et l’abeille ou plus tard l’écureuil (emblème des Caisses d’Epargne) sont également fréquemment présents sur les frontons de ces hôtels.
Aujourd’hui, les nouveaux sièges de Caisses d’Epargne témoignent de leur modernisation, de leur puissance de grande banque régionale, de leur rayonnement sur les territoires. L’environnement, l’homme et la qualité de vie sont au cœur des nouveaux projets, qui pour beaucoup ont quitté les centres villes pour de nouveaux pôles d’attractivité qui concentrent les grandes figures de l’activité économique régionale.
Hier, comme aujourd’hui, les Caisses d’Epargne ont privilégié une implantation qui les placent au cœur de l’activité des villes et témoignent de leur rôle d’acteurs de premier plan sur les territoires.